du dîner, et que je réfléchissais sur quelque
matière sérieuse qui avait été agitée au souper
de la veille, la Forest entra précipitamment et
m’annonça le domestique de M. Démery, qui
m’apprit que son maître était à l’agonie, qu’il
cédait à une attaque d’apoplexie des plus violentes,
et qu’on n’en espérait plus rien. Quel
coup ! outre qu’il m’était cher, j’avais toujours
différé certains arrangements qu’il voulait faire
en ma faveur, et dont il n’était plus question de
se flatter. Je m’habille en diligence, je vole à sa
maison, je perce jusqu’à son appartement ; je
m’approche de son lit, sans faire attention à ce
que peuvent dire ou penser une foule de parents
réunis : à telle fin que de raison je lui parle ;
je cherche à me faire entendre, mais inutilement.
Je me jette dans un fauteuil avec tout le saisissement
que cause un pareil coup. On parle bas,
on me regarde, on s’agite, on observe un
moment de silence, après lequel un uniforme
noir et blanc me représente pieusement l’indécence
qu’il y aurait à rester plus longtemps
auprès d’un homme dont il est chargé de conduire
l’âme devant Dieu ; qu’il n’attend qu’un
moment de connaissance pour le réconcilier
avec son Créateur : œuvre pie, à laquelle s’opposait
formellement ma présence ; que d’ailleurs
c’était au nom de la famille qu’il me priait de
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DE JULIE