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LES ÉGAREMENTS


pour développer un air noble et aisé. Tout ce manège exige beaucoup de grâces et de naturel, que l’on n’acquiert que par une longue habitude. Une fois en place j’étais bien ; mais je n’avais pas l’art de me produire.

La fin du carnaval amena enfin celle de mes nouveaux fonds, sans qu’il y eût aucune apparence de changement dans ma fortune. Mon hôtesse, à laquelle je n’avais point jusqu’alors donné d’argent, me harcela ; il fallut encore vendre ; je perdis moitié ; je satisfis mes créanciers : et m’apercevant qu’on me regardait déjà avec cette compassion insultante qu’on a pour ceux qui sont obligés de s’exécuter, je quittai l’hôtel Carignan, et j’allai, pour me dépayser, loger rue Mazarine, où je louai un petit cabinet au troisième étage, chez une vieille femme qui m’apprêta à manger. Je me retirai tout d’un coup des compagnies avec lesquelles je m’étais ruinée inutilement. Outre que je ne pouvais plus faire la même dépense, j’avais beaucoup retranché de mon ajustement.

Le nouvel ordre que je mis dans ma conduite, l’unique société de la Remy (c’était le nom de mon hôtesse) et mes réflexions sérieuses sur les besoins et la misère dans laquelle j’allais tomber, me firent bientôt rentrer dans la mélancolie d’où la dissipation m’avait arrachée.