nocente que fût ma conduite dans le fond, elle
donnait à penser ; que nous devions soigneusement
éviter toutes les occasions d’éclat. J’eus la
sottise de me scandaliser de ses remontrances :
huit mois d’habitude m’avaient refroidie pour
lui. Je lui répondis avec aigreur que je ne prétendais
pas vivre en esclave ; mon procédé lui fut
sensible, il comprit aisément dès lors le pernicieux
effet du monde, quand on y entre un peu
trop précipitamment, et n’écoutant que son
plaisir. Uniquement occupé à me plaire, il
avait toujours négligé de me faire sentir, par
un juste discernement, la différence du faux ou
du vrai : nous parlions beaucoup, mais nous
raisonnions peu. Il sentit, mais trop tard, sa
faute : il n’en devint cependant que plus sensible.
Oui, il semble que les hommes ne rallument
leurs feux qu’à la froideur que nous faisons
paraître ; il fit tout ce qu’il put pour me ramener
à moi-même, et me faire sentir la solidité de
ses avis : ma vanité gendarmée ne put plier,
je lui montrai longtemps une indifférence capable
de le désespérer. J’affectai toutes les marques
d’une véritable intelligence avec quelques-uns
des jeunes gens qui me faisaient la cour ;
et sans m’embarrasser de ses conseils, je crus
faire le plus joli coup du monde de travailler à
nous perdre tous deux. Quel manque de réfle-
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LES ÉGAREMENTS