Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/10

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qualitativement[1]. J'ai vérifié de plus, cette fois avec mesures précises, que ces rayons sont ralentis, puis arrêtés, dans un champ parallèle à leur direction et de sens convenable.

J'ai pu mesurer[2] la différence de potentiel V qui arrête ainsi les projectiles négatifs. Différence de potentiel égale et contraire à celle qui, près de la cathode, avait donné à ces projectiles leur vitesse v. Soient e la charge, et m la masse du projectile cathodique. L'équation exprimant que l'énergie se conserve

e*V = 1/2*(m*v^2)

donnait une première relation entre le rapport de la charge à la masse, et la vitesse v.

Une seconde relation pouvait s'obtenir en mesurant le rayon du cercle que décrit un rayon cathodique dans un champ magnétique uniforme normal à sa direction. Je réalisai donc[3] un montage qui permettait des mesures précises de et de v. Mais, comme je commençais à faire ces mesures, j'appris que J.J. Thomson (qui, après avoir répété mon expérience, se trouvait également amené à mesurer ) m’avait devancé[4]. II trouvait une vitesse (variable selon les conditions de la décharge) de l'ordre de 70.000 km par seconde, et un rapport (invariant) plus que 1000 fois supérieur à ce qu’il est pour l'hydrogène dans l’électrolyse[5].

On sait que ce sont ces mesures qui ont conduit à reconnaître que le « corpuscule » cathodique, ou électron négatif, est un constituant primordial essentiel de tous les atomes. Et l'intérêt principal de mes expériences sur les rayons cathodiques me semble précisément d'avoir été un point de départ dans la chaîne d'expériences qui aujourd'hui ont définitivement établi l'existence de ce constituant universel de la matière.

  1. Thèse, mai 1897, et Ann. de Ch. et Phys., août 1897. Des expériences quantitatives ont été faites peu après par J. J. Thomson avec un dispositif amélioré (déc. 1897)
  2. J'ai, par exemple, observé l'arrêt du rayon (par la suppression des fluorescences qu'il excite) pour une chute de potentiel de 30.000 volts.
  3. Au laboratoire de MM. Violle et Brillouin.
  4. Phil. Mag., décembre 1897.
  5. En fait, 1840 fois plus grand, comme on l’a vu depuis avec précision.