Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/13

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'à ce qu’elles soient mécaniquement arrêtées par une surface isolante solide ou liquide, qui se trouve alors chargée. L'action sur les corps électrisés se présente ainsi non comme une propriété proprement dite des rayons de Roentgen, mais comme la conséquence d'une « ionisation » que ces rayons font subir aux gaz qu'ils traversent[1].

Ce langage ne contient aucune hypothèse. Les charges créées dans les gaz ont une existence réelle, qui se manifeste non seulement aux extrémités des tubes de force où elles se meuvent, mais encore en un point quelconque de leur parcours, où elles peuvent être arrêtées et recueillies[2].

Si le gaz ionisé n'est pas soumis à un champ électrique, il y a recombinaison progressive des ions formés, et le gaz redevient bientôt isolant. Si au contraire le champ est assez intense, les ions des deux signes sont rapidement entraînés dans leur double mouvement inverse dans des régions séparées où ils échappent à la recombinaison. On mesure ainsi, à la limite, la quantité d'électricité dissociée dans le gaz, c'est-à-dire l'ionisation.

J'ai montré que, pour un même gaz, cette ionisation est proportionnelle à la pression. Les ionisations produites à la même pression dans des volumes égaux de divers gaz portent donc sur un même nombre de molécules, et mesurent les fragilités des molécules des divers gaz vis-à-vis des mêmes rayons X. J’avais mesuré (Thèse) quelques fragilités. Plus tard, J. J. Thomson, reprenant et étendant ce genre de mesures, a vu que l'ionisation d'une molécule est la somme de termes dus aux divers atomes qu'elle contient.

Effet des parois.

- Benoît et Hurmuzescu, en étudiant la décharge de corps électrisés concentrés par les rayons X, avaient trouvé que la nature de ces corps influe sur la vitesse de décharge. C'est même cela qui sans doute les empêcha de voir le rôle joué par le gaz.

  1. De façon indépendante, et en même temps (Phil. Mag., nov. 1896), J. J. Thomson et Rutherford (à ce moment son élève et collaborateur) ont développé la même conception. Ils opéraient en insufflant rapidement sur des électrodes le gaz amené par un tube dont la paroi est traversée à angle droit par des rayons X. Ce dispositif a l'inconvénient de superposer à l'ionisation propre du gaz l'effet de paroi dont nous allons parler. Et cela explique en particulier comment ils ont pu trouver que l'ionisation de l'hydrogène est la moitié de celle de l'air, au lieu que cette ionisation par les rayons X ordinaires est pratiquement nulle, comme je l'avais reconnu.
  2. Par exemple, on les recueille très facilement en disposant sur leur parcours, loin du rayon X qui les a libérées, une feuille de papier paraffiné (Thèse, 1897).