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III ÉNERGÉTIQUE

Chargé après ma thèse, en 1898, d'organiser à la Sorbonne un enseignement de Chimie physique, j'ai commencé par visiter des laboratoires étrangers. Mes expériences se trouvèrent interrompues, et je ne recommençai de recherches suivies qu'en 1903. Dans l'intervalle, je m'étais occupé du nouvel enseignement, et j'avais organisé le petit laboratoire où je devais plus tard avoir des élèves, mais où j’eus l'honneur de pouvoir tout de suite donner des moyens de travail à des amis tels que G. Urbain, qui y a fait de belles recherches sur la séparation des terres rares, et Debierne, qui y a découvert et étudié l'actinium.

En 1901, j'ai publié un livre[1] où j'ai tâché d'exposer et de préciser les principes qui sont à la base des sciences physiques, principes qui ont ceci de commun que chacun d'eux peut être suggéré par la seule comparaison des faits connus, sans que jamais on ait besoin de se représenter le monde autrement qu'il ne nous apparaît. L'absence d’hypothèses sur ce qui nous est caché, et l'application constante de « l'intelligence des analogies » aux données de la sensation, caractérisent la méthode inductive qui a ainsi créé l'Énergétique, par opposition à la méthode intuitive qui, en «devinant » des structures encore invisibles, a donné l'Atomistique.

Je me suis efforcé, dans mon exposé de l'Énergétique, d'améliorer l'enchaînement des idées, tout en réduisant le rôle des calculs.

Pour exposer le premier principe, j'ai introduit la notion de changement, définie par l'état initial et l'état final du système. Il est des changements qui ont forcément une répercussion extérieure (c'est ainsi qu'il faut nécessairement payer l'élévation d'un ascenseur et payer d'autant plus cher qu'il est plus lourd et monte plus haut, par exemple payer par l'abaissement d'une certaine masse d'eau, chacun des deux changements, abaissement et élévation, étant l'unique répercussion de l’autre). D'autre part, certains changements « indifférents » (tel le déplacement d'un poids sur un plan horizontal) ne coûtent rien, et enfin certains changements « instables » peuvent disparaître spontanément sans répercussion extérieure (telle la compression isotherme d'un gaz qui disparaît par une détente de Joule).

Cela dit, et comme généralisation d'énoncés partiels qui portent sur l'équivalence des mécanismes, la calorimétrie, et la production de chaleur par travail, j'ai obtenu l'énoncé suivant du premier principe :

  1. Les principes, chez Gauthier-Villars (1901).