Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/19

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couche double, n'agissent pas électriquement l'une sur l'autre, mais, si elles s'approchent à une distance inférieure au double de l'épaisseur de la couche double, les couches liquides électrisées sont refoulées latéralement, et une répulsion électrique des deux particules se produit, par interaction des couches électriques de même nom. Ce phénomène a pu être mis en évidence, comme nous verrons plus loin, dans des émulsions de gomme-gutte où l'épaisseur de la couche double est de l’ordre des grandeurs microscopiques. Cela expliquera pour une part la stabilité des solutions colloïdales.

Ces cinq phénomènes, qui impliquent tous glissement ou déplacement, l’un par rapport à l'autre, des deux feuillets d'une couche double, sont étroitement connexes. Ils renseignent par leur importance sur l'électrisation qu'un liquide donné et une substance donnée prennent au contact l'un de l'autre. Mais j'insiste sur ce point qu'une électrisation de contact ne permettrait aucun de ces phénomènes, même pour une densité électrique considérable, si l'épaisseur de la couche double était trop faible pour que les charges les plus éloignées de la paroi puissent être considérées comme mobiles.

En d'autres termes, une couche double « épaisse » dont un feuillet est situé dans le liquide assez loin de la paroi pour pouvoir être appelé une couche électrique liquide, constitue l'électrisation de contact d'espèce particulière qui explique l'osmose électrique, les forces électromotrices de filtration, le transport de poussières par le champ, la création de champ par le mouvement de poussières, et la répulsion électrique de deux poussières.

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Or, on ne savait rien prévoir sur la grandeur et même sur le signe de ces phénomènes. J'ai pu trouver à cet égard des règles simples, et montrer que ces règles expliquent, pour les suspensions ou les colloïdes, des propriétés qui jouent un rôle important dans les sciences naturelles[1].

J'ai employé un dispositif qui permet de ne pas se limiter aux cloisons poreuses ordinaires, et d'étudier l'électrisation de contact d'un liquide et d'un solide (isolant) quelconque. L'appareil est une sorte de tube en U, démontable en trois parties assemblées par des rodages. La partie moyenne contient le diaphragme, formé par la substance étudiée, réduite à un haut degré de division (poudre ou filaments), tassée

  1. Journal de Chimie physique (Genève), 1904 et 1905, et première Notice à l’Institut (1918), p. 33-55.