Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/27

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On conçoit, par cet exposé condensé, comment, s'il existe des molécules, il faut, pour accorder cette existence avec les mesures faites sur la viscosité des gaz, attribuer certaines valeurs définies aux masses de ces molécules. Ceci ne juge pas encore la théorie. Mais, pour accorder l'existence des mêmes molécules avec les observations relatives au mouvement brownien, il nous faudra sans doute encore leur attribuer certaines masses définies. Une contradiction serait un grave embarras. Une convergence, au contraire, nous donnera grande confiance et dans l’existence des molécules, et dans la valeur des hypothèses complémentaires introduites dans la théorie cinétique.

Nous allons voir qu'en effet le mouvement brownien, formant un intermédiaire accessible entre nos dimensions et celles des molécules, nous donne le moyen d'atteindre ces dernières, et de façon beaucoup plus simple que n’avait pu faire la théorie cinétique.

Extension des lois des gaz aux émulsions diluées et détermination du nombre d’Avogadro.

On sait comment les lois des gaz ont été étendues par Van't Hoff aux solutions diluées. Il faut, bien entendu, considérer alors, non la pression totale exercée sur les parois, mais seulement la part de cette pression qui est due aux chocs des molécules dissoutes, qu'on appelle pression osmotique (et qu'on peut mesurer quand on sait réaliser une paroi semi-perméable qui arrête les molécules du corps dissous et n'arrête pas celles du solvant). Les lois des gaz, ainsi élargies, et compte tenu de la loi d'Avogadro, peuvent s'énoncer.

Dans l'état dilué, gazeux ou dissous, des nombres égaux de molécules quelconques, enfermées dans des volumes égaux à la même température, y produisent la même pression. Cette pression varie en raison inverse du volume occupé ; elle est proportionnelle à la température absolue.

Ces lois sont applicables à toutes les molécules, grosses ou petites ; cela résulte, soit des mesures directes de pressions osmotiques, soit plutôt de la vérification des lois de Raoult (lois qu'on peut déduire des lois de Van't Hoff). La lourde molécule de sucre, qui contient 45 atomes, celle de sulfate de quinine, qui en contient plus de 100, ne comptent ni plus ni moins que l'agile molécule d'hydrogène.