Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/50

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Influence de la lumière absorbée.

– Ayant cru voir qu'un éclairage intense favorisait la stratification, je me suis arrangé pour éclairer seulement la moitié du champ.

Dans ces conditions, et lorsque les plages discontinues se sont formées dans le demi-cercle éclairé, on s'aperçoit, si l'on éclaire brusquement à son tour le demi-cercle jusque-là laissé obscur, que ce demi-cercle est resté non stratifié, dans l'état primitif de la lame, avec coloration à gradations continues. Le contraste des deux moitiés du champ est frappant. Il dure peu de temps d'ailleurs, car le liquide qu'on vient ainsi d'éclairer frissonne et se stratifie à son tour en donnant des plages discontinues désormais insensibles à la lumière.

Si l'on cesse d'éclairer, la stratification persiste ; la lumière, qui a provoqué ou accéléré son apparition, n'est pas nécessaire à sa conservation.

La lumière active est uniquement celle qui est absorbée par la substance colorante contenue dans la lame. On s'en assure en plaçant sur le trajet des rayons une cuve contenant une solution de cette substance, de façon à arrêter parmi ces rayons ceux qui auraient pu être absorbés par la lame, et seulement ceux-là. Par exemple, dans le cas de l'éosine, une cuve plate contenant une solution étendue d'éosine protégeait contre la stratification une lame à l'éosine, mais ne protégeait pas une lame à l'uranine.

Influence de la température.

– J'ai constaté que l'accroissement de la température peut favoriser la stratification. Dans une étuve à 50°, cette stratification se réalise spontanément pour l'eau de savon à l'uranine, maintenue non éclairée.

En même temps la fluidité du liquide est beaucoup augmentée, et l'on voit parfois ce liquide s'écouler rapidement le long de la lame, sans cesser d'être stratifié. On peut se demander si l'action stratifiante de la lumière absorbée dans la lame ne tient pas seulement à une élévation de température produite par cette absorption. Et, en effet, on voit beaucoup s'accroître la fluidité du liquide encore non stratifié dès que la lumière le frappe. Puis, quand la stratification est produite, la fluidité diminuée semble de nouveau correspondre à la température ambiante.

Il faut donc admettre qu'à épaisseur égale la lame stratifiée absorbe moins de lumière, donc contient moins de matière colorante (et par suite probablement moins d'eau) que le liquide non stratifié. Nous utiliserons ce renseignement.