Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/57

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Ceci ne comporte pas d'hypothèse. Mais maintenant nous voulons tâcher de savoir quelle est la structure du feuillet élémentaire, et d'abord de la première plage, de la tache noire.

Nous savons déjà que, sur chaque face, l'eau de savon est revêtue d'une couche monomoléculaire d'acide oléique à molécules presque jointives.

La tache noire serait donc, à ce que je présume, une sorte de sandwich contenant un lit de molécules d'eau[1] (au moins 2 molécules d'épaisseur, je pense) contre chaque face duquel se dressent, collées contre l’eau par leur groupement acide, des molécules parallèles d'acide oléique. Et 1'épaisseur qu'on trouve pour un tel système laminaire formé d'une pellicule d'eau entre 2 pellicules monomoléculaires d'acide oléique est bien approximativement 4 à 5 millimicrons (3,8 pour 2 molé cules d'acide oléique, plus 0,6 pour 2 molécules d'eau).

L'empilement de feuillets identiques à cette lame noire donnerait les plages successives. L'acide oléique, beaucoup plus abondant au sein de cet assemblage que dans l'eau de savon donnée, serait emprunté aux parties non stratifiées, au moment où un feuillet en sort, avec l'apparence d'une hernie pla te, pour s'étendre sur les plages déjà formées.

Cette façon de voir est bien en accord avec les indications que m'ont données, comme on a vu plus haut, l'action de la lumière et l'action de la température, suggérant que les lames stratifiées contiennent à épaisseur égale, beaucoup moins d'eau que le liquide non stratifié.

Je ne regarde pas comme exclu qu'une périodicité dans les forces de cohésion explique la structure feuilletée périodique des lames liquides stratifiées. Structure qui rappelle, à une échelle à peine plus grande, les empilements moléculaires réguliers qui forment les cristaux[2].

On peut enfin espérer, par des expériences analogues à celles de Bragg, faire réfléchir, sur des incidences convenables, des rayons X sur des lames liquides feuilletées. Comme dans le cas des cristaux, il y aura là un moyen d'étudier, soit des lames, soit les rayons X employés (dont la longueur d'onde serait, comme ordre de grandeur, 5 fois plus grande que celle qui convient pour les cristaux ordinaires).

  1. Je dois dire que Wells suggère (Ann. de Phys., 1921, t. XVI, p.108), mais à ce qu'il me semble sans preuve, que la tache noire ne contient pas d'eau du tout, non plus que les lames stratifiées.
  2. Voir une note posthume (Annales de Phys., X, p.189, 1918) où René Marcelin donne 0,7 mm pour distance des plans de clivage dans le mica.