Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/74

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plus grande aux fortes dilutions qu'aux concentrations moyennes.

Il était intéressant de voir si une limite est atteinte pour des concentrations permettant les mesures. Ce travail, impliquant des mesures photométriques délicates, a été fait sous ma direction par M. Lépine[1]. En tenant compte, pour les concentrations auxquelles cela devenait nécessaire, de l'absorption de la lumière excitatrice dans les premières couches traversées, M. Lépine a établi (pour l'uranine, le bleu fluorescent, la rhodamine) que pour des concentrations comprises entre le milliardième et le deux cent-millième, « la fluorescence d'un volume donné est exactement proportionnelle à la concentration ». Il revient au même de dire : Au delà d'une certaine dilution, la fluorescence d'une masse donnée reste constante.

Il résulte également des expériences de Lépine que, pour ces matières au-dessus d’une concentration de 1 cent-millième, la fluorescence d'une masse donnée commence à décroître appréciablement.

En un langage peu différent, et puisque l'émission de fluorescence annonce la formation de molécules critiques, nous pouvons dire : Au delà d'une certaine dilution, les chances de formation d’une molécule critique fluorogène restent constantes. Ces chances diminuent quand, la solution se concentrant, les molécules sensibles à la lumière se rapprochent.

On peut dire que ces molécules sensibles se protègent réciproquement, d'autant mieux qu'elles sont plus rapprochées, d'abord de façon insignifiante aux grandes dilutions, puis de plus en plus efficacement.

Le domaine à l'intérieur duquel une molécule, sensible commence à en stabiliser une autre n'est évidemment pas à bord net. Pour les substances étudiées par Lépine, la stabilisation est déjà appréciable quand les molécules sont en moyenne à une trentaine de millimicrons les unes des autres (solution au cent-millième) ; elle est pratiquement complète quand ces molécules fluorogènes, occupant le cinquième du volume de la solution, sont à une distance moyenne de 1,5 millimicron.

Cette valeur est au reste variable, et avec la substance plus qu'avec la longueur d'onde excitatrice. C'est ainsi que pour le bleu fluorescent l’extinction de la fluorescence est déjà pratiquement complète pour une teneur de

  1. Lépine (tué à l’ennemi en 1915), Étude expérimentale sur la fluorescence des solutions (Paris, Diplômes d'études, n° 171, 1914). Ce diplôme remarquable par sa précision conduit à diverses conclusions intéressantes, en outre du résultat ici indiqué.