Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/77

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les couches profondes des astres.

Je me suis trouvé ainsi logiquement conduit, et de façon pour moi inattendue, à « chercher dans une action de la lumière sur les atomes un mécanisme essentiel de toute réaction chimique » (Les Atomes, n° 96 ; janvier 1913).

Je croyais alors cette hypothèse entièrement nouvelle ; en fait (et à ce que je crois pour expliquer qualitativement l'influence de la température sur la vitesse de réaction), Trautz avait récemment regardé comme possible que les réactions ordinaires soient produites par de la lumière infrarouge. D'autre part, peu après moi, et de façon évidemment indépendante, J. Duclaux énonçait (1914) des idées voisines en insistant sur ce que les réactions chimiques doivent se produire par absorption de quanta. La guerre survint alors, interrompant ou isolant les recherches.

Dès que je pus reprendre mon travail, je publiai un Essai de synthèse de la Mécanique chimique (Matière et Lumière, Ann. de Physique, 1919), où je donnais la loi d'influence de la température, et où j'insistais sur la généralité possible de la théorie radiochimique, l'étendant aux transformations atomiques telles que la radioactivité et montrant qu'elle avait des conséquences importantes pour la physique céleste. J'ignorais alors que, pendant la guerre, W. C. Mc Lewis, lui-même non averti de ma première publication, avait formulé à son tour l'hypothèse de l'intervention nécessaire de la lumière et en avait déduit la loi d'action de la température (Chem. Society, 1916). J'ai su encore plus tard que, sans connaître lui-même mes suggestions ni le travail de Lewis, Trautz a également calculé (1918) l'influence de la température en admettant qu'elle s'exerce grâce à la lumière.

Bref, l'idée que les réactions ordinaires de la Chimie sont peut-être toujours des réactions photochimiques surgissait spontanément en de nombreux esprits. Comme l'a dit précisément à cette occasion Arrhenius, si ce n'est pas la preuve qu'une idée est exacte, c'est une présomption pour qu’elle soit raisonnable et pour que sa discussion soit utile. La « Théorie radiochimique » été en effet l'objet de discussions prolongées : à la « Faraday Society » (1921), à la Société française de Chimie physique (1922) et au Conseil Solvay de Chimie (Bruxelles, 1922). Au cours de ces discussions, et notamment grâce à des questions et à des critiques, de MM. Lindemann, Langevin et Job, que je tiens à remercier, j'ai été conduit à retoucher ou à compléter ma théorie, dont je vais présenter ici un résumé.