Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/79

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On pourrait admettre que l’énergie critique est seulement assujettie à dépasser une certaine valeur. J’admets, avec R. Marcelin (1914) et Lewis (qui ont également introduit cette notion), qu'elle est fixée et que l'état critique est défini.

Je précise même, pour des raisons que je ne peux exposer ici, en admettant que dans l'état critique, la matière forme une molécule proprement dite, en état stationnaire non rayonnant. Mais, dans ce régime stationnaire non rayonnant peut se réaliser par suite de hasards intérieurs une configuration instable aussitôt suivie de passage, avec rayonnement, vers un état moléculaire non rayonnant d'énergie inférieure (lequel, dans le cas général, pourrait lui-même être encore un état critique). La probabilité de passage spontané de l'état critique en l’un des états « moléculaires » d'énergie inférieure ayant une valeur définie, une molécule critique a une vie moyenne définie. La « chute » spontanée vers l'un de ces états se produirait même dans le vide au zéro absolu, toujours avec la même vie moyenne[1]. Bref un phénomène analogue (identique peut-être) à la radioactivité serait une phase nécessaire de toute réaction chimique.

Un mot nouveau serait utile : de la matière en passage de A vers C ou en chute de C vers A n' est pas une molécule, mot qu'il faut réserver à un état stationnaire non rayonnant.

Tant que la molécule critique ne se révèle pas à l’observation, c'est que sa vie moyenne est petite par rapport à celles des états stables. Mais nous avons vu comment l’hypothèse de molécu1e critique explique les fluorescences et que même une expérience de Wood donne probablement la vie moyenne d'une molécule critique d'iode.

Lumière ou chocs peuvent se remplacer.

– J'ai indiqué plus haut comment l'intervention de la lumière dans les réactions m'était apparue comme une nécessité logique. Lindemann et Langevin m'ont séparément objecté que mon raisonnement permettait deux issues : l'une était que la lumière agit seule, l’autre était que l'action d'un choc sur une molécule met à y produire son effet un temps beaucoup plus long que celui qui sépare deux chocs. Si donc la concentration devient disons 3 fois plus grande, il arrivera 3 fois plus souvent que la molécule subira un choc capable d'être « efficace », mais avant que ce choc ait eu le temps de produire son effet il

  1. Au contraire, la vie moyenne d'un état stable dépend des causes extérieures (chocs ou radiations) qui peuvent lui fournir l'énergie nécessaire pour le faire passer dans un état critique.