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et moins vite en lumière rouge, qu'elles ne font à l'obscurité (Ann. de Phys., 1922).

Phosphorescences atomiques.

– J'ai pu étendre la théorie radiochimique aux phosphorescences atomiques qui sont produites quand certaines radiations frappent des solutions solides diluées d'atomes « phosphorogènes », telle une solution diluée d'un sel de terbium dans la chaux (Crookes, Lecoq de Boisbaudran, G. Urbain).

Considérons une substance qui, après illumination, luit dans ce que nous appelons l'obscurité, et qui est réellement l'équilibre de rayonnement isotherme (« noir ») à la température considérée.

J'ai supposé que la lumière excitatrice transforme l'atome phosphorogène (après passage par un état « critique ») en un atome modifié avec absorption d'un quantum hn de radiation incidente, puis émission d'un quantum hn' d'une autre lumière infrarouge peut-être, selon notre schéma général :

hn + A -> A’ + hn'

Quand l'illumination cesse, la solution solide contient le phosphorogène modifié A' en proportion beaucoup plus forte qu’avant illumination. Mais la régénération de l'état initial par la réaction inverse se produit, soit par agitation moléculaire, soit par absorption de radiation de fréquence n’ empruntée au rayonnement isotherme où baigne la préparation, la proportion de ces deux causes restant à déterminer. C'est la lumière émise pendant cette régénération qui constitue la phosphorescence. Nous comprendrons bientôt pourquoi (selon une règle de Stokes) sa fréquence moyenne est inférieure à celle de la lumière excitatrice.

Comme l'agitation moléculaire, aussi bien que le rayonnement isotherme, augmente ou diminue quand la température s'élève ou s'abaisse, nous comprenons que cette régénération et par suite la phosphorescence doit pratiquement cesser si on refroidit suffisamment la préparation, le corps modifié restant alors « endormi », de même que de l'ozone subsiste indéfiniment dans de l'oxygène assez refroidi. Et c'est ce que donne en effet l'expérience. Au contraire, si on échauffe la préparation, la régénération deviendra très rapide et la phosphorescence très brillante, mais très peu durable. C'est en cela précisément que consiste le phénomène de la thermoluminescence, connu depuis longtemps, mais jusqu'ici non expliqué.