Aller au contenu

Page:Perrinjaquet - Corée et Japon, annexion de la Corée au Japon, traité du 22 août 1910 et ses conséquences.pdf/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 3 —

impossible à un pays pacifique, mais faible, de garder la neutralité et de se faire respecter par les deux grandes puissances militaires qui allaient se disputer la maîtrise de l’Extrême-Orient. Vu les circonstances, la Corée ne pouvait espérer constituer un État tampon, neutralisé ou non, entre le Japon, la Chine et l’Empire russe.

Un petit État ne peut rester neutre entre de grandes puissances que si celles-ci n’ont pas sur lui de visées de conquête et si elles sont animées d’un désir mutuel de paix. C’est pour cela que l’indépendance de la Suisse s’est maintenue depuis des siècles et qu’on a cherché à la sauvegarder par la neutralité perpétuelle. Mais le désir mutuel des puissances en Extrême-Orient était non de maintenir, mais de supprimer la Corée comme État indépendant. La Russie et le Japon aspiraient à s’en emparer pour asseoir leur hégémonie, le Japon surtout voulait à tout prix conquérir la Corée pour offrir un territoire nouveau à sa population surabondante, à l’étroit dans l’archipel nippon. L’empire du « Matin calme » allait devenir, ainsi que la Mandchourie, l’objet du duel engagé entre l’Empire du Mikado et celui des Tsars. La Corée, par sa situation géographique, devait même servir de premier champ de bataille aux belligérants[1].

Dès l’ouverture de la guerre russo-japonaise, la Corée fut malgré elle impliquée dans les hostilités, et vit son indépendance sérieusement atteinte. Le Japon lui imposa, en effet, le protocole du 23 février 1904. Cet acte se présente sous la forme d’un traité d’alliance et de garantie pour la Corée : le Japon garantit l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Corée et pour cela il reçoit en cas de besoin un droit d’occupation militaire (art. 3 et 4 du traité), mais l’Empereur de Corée doit suivre les conseils du Mikado pour l’amélioration de l’administration intérieure du pays[2]. L’arrangement du 22 août 1904 vient ensuite donner au Japon la direction des relations extérieures de la Corée, ainsi que le contrôle des finances, car ces services sont placés sous la surveillance de Conseillers japonais[3]. Le pays est alors entièrement occupé par les armées japonaises dont le commandant, appliquant directement les conseils que le Mikado a le droit de donner, dirige l’administration intérieure

  1. Les premiers événements de la guerre russo-japonaise se déroulèrent en effet en Corée. V. sur ce point, la chronique de M. Rey, dans la Revue générale de droit international public, t. XV (1908), p. 146 et suiv. — Comp. Rey, La condition internationale de la Corée, dans la Revue générale de droit international public, t. XIII (1906), p. 40 et suiv.
  2. V. le texte de ce protocole, dans la Revue générale de droit international public, t. XIII (1906), p. 42, note 2.
  3. V. le texte de cet arrangement, dans la Revue générale de droit international public, t. XIII (1906), p. 43.