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FEMMES ARABES

près de la place publique (afin de traiter et de recueillir les voyageurs) ; sobre, il reste sur son appétit la nuit d’un festin ; vigilant, il ne dort jamais la nuit du danger. »

La dixième reprit : « Mon mari est Mâlik, vous le savez, l’excellent Mâlik ! Mâlik a bien mieux que tous vos maris : nombreuses chamelles qui ont rarement besoin d’aller paître loin de sa demeure et de ses pâtis (car il a près de lui de gras pâturages) ; chamelles réunies dans des parcs immenses. Entendons-nous les vives et allègres chansons des cithares, nos chamelles savent alors qu’elles vont de leur chair régaler la troupe joyeuse qui arrive à Mâlik. »

Enfin, la onzième dame sourit doucement, et d’une voix pleine de grâce, d’onction et de calme : « A moi, mon mari, dit-elle, c’est Abou-Zar ; mais quel excellent Abou-Zar ! il m’a enrichi les oreilles de précieuses parures, les mains de beaux bracelets, les bras d’un rond embonpoint. Il m’a honorée du nom de son épouse, et je m’en suis honorée ; car il m’a trouvée enfant d’une pauvre famille à quelques minces troupeaux, dans la gêne et l’étroit ; et Mâlik Abou-Zar m’a portée dans une famille où retentissent sans cesse le hennissement des chevaux, les grondements des chameaux, le bruit des gens qui foulent et dépiquent les grains, les cris confondus de vingt troupeaux, de milliers d’animaux domestiques. Auprès de lui je parle à mon gré, et jamais il ne me reprend ou ne me blâme. Je me couche,… et puis encore je dors grasse matinée ; je bois et bois à satiété ; je mange à bouche que veux-tu ; et j’ai encore à donner aux autres. — La mère d’Abou-Zar ! quelle femme que la mère d’Abou-Zar ! bonne femme aux flancs bien arrondis, gras et larges. — Puis le fils d’Abou-Zar ! quel admirable enfant que le fils d’Abou-Zar ! sa couche mignonne semble l’espace que laisse vide un léger brin de jonc enlevé du tissu de la natte. À son appétit suffirait la broutée d’un petit chevreau ; à sa soif, le peu de lait tiré