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Introduction

Depuis plusieurs décennies, des éleveurs de l’Ouest de la France ont développé des systèmes bovins herbagers, au sein desquels l’alimentation du troupeau repose très large­ment sur le pâturage de prairies temporaires de longue durée associant graminées et légu­mineuses. Des techniques spécifiques de conduite de ces prairies d’association et du troupeau (pâturage tournant, absence de fertilisation azotée de synthèse) ont été mises au point et adoptées dès les années 1950 par des éleveurs bretons, à la suite d’André Pochon (Pochon, 1981, 2008). Certains d’entre eux ont, comme lui, continué à mettre en œuvre ces systèmes à base de prairies temporaires, en dépit du développement général en Bretagne à par­ tir des années 1970 de systèmes d’élevage basés sur l’utilisation croissante du maïs fourrage pour l’alimentation des troupeaux.

En s’inspirant des systèmes élaborés par ces agriculteurs bretons, de petits groupes d’éleveurs se sont progressivement créés dans tout l’Ouest de la France et réorientés depuis plus de vingt ans vers des systèm es bovins herbagers adaptés à leurs conditions pédocli­ m atiques locales. Ces éleveurs étaient à la recherche d ’alternatives, avec un double objec­ tif : m a in ten ir leur revenu tout en m odérant l’a grandissem ent de leur exploitation et leurs dépenses d ’investissem ent et, dans le même tem ps, réduire leur charge de travail ainsi que les effets négatifs de leurs pratiques agricoles su r l’environnem ent. Au début des années 1990, ils se sont ainsi lancés, à leur propre initiative, dans de profondes transformations de leur système de production, en diminuant la place du maïs dans les systèmes fourragers au profit du développement des prairies et du pâturage, et ce en dépit des in citations de la Politique Agricole Commune (PAC) qui, à la même époque, instaurait un soutien à la culture de maïs fourrage.

L’un des objectifs des travaux de recherche conduits dans le Bocage poitevin (Garambois, 2011) et présentés dans cet article consistait à mesurer l’impact de ces profon­des transformations sur le revenu des éleveurs. Les résultats présentés portent sur les sys­tèmes bovins laitiers développés par les membres de deux associations d’éleveurs implantées dans le Bocage poitevin, le GRADEL[1] (Vendée/Loire-Atlantique) et le Civam du Haut-Bocage[2] (Deux-Sèvres), créées au début des années 1990. L’article est structuré en trois parties : la première détaillant l’approche adoptée ; la seconde centrée sur les processus et l’évolution des systèmes herbagers de 1990 à 2009 et la dernière présentant une analyse détaillée de l’impact économique de ces passages en système herbager pour les éleveurs.

1. Une approche systémique et historique des processus productifs agricoles pour mesurer l’impact des changements de pratique

La recherche a été conduite sur la base d ’un travail de terrain approfondi mené entre mars 2007 et avril 2009 dans le Bocage poitevin. Cette région a été choisie car son climat, caractérisé par un déficit hydrique fréquent en été, est moins favorable à la pousse de l’herbe que celui du nord de la Bretagne où ces systèmes herbagers ont été initiés (Pochon, 1981).

  1. Groupe de Recherche en Agriculture Durable et en Économie Locale.
  2. Centre d’initiatives et de Valorisation Agricoles et en Milieu rural du Haut Bocage.

34 ■ Notes et études socio-économiques n° 37 - Janvier-Juin 2013