Page:Perrot - La Grève de Pordic ou la Pordicane, 1872.djvu/20

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Se transportent d’avance ; ou bien de l’onde amère
Conjurent par des vœux les trop nombreux périls.
Et le clocher natal, la chaumière où sont-ils ?
Là tout près. Ces doux lieux qu’ils quittent l’œil humide
Les verront-ils encor ? Car l’élément liquide
De tant d’autres sans nombre a détruit tout l’espoir.
Seront-ils plus heureux ? Dieu le sait : mais le soir,
Sais-tu toi, nautonnier, si tu verras l’aurore ?
Le soleil aurait lui, pourrais-tu dire encore
Je vivrai jusqu’au soir… Ces pensers saisissants,
Voilà le cœur à nu des matelots partants ;
Et quand on les a vus, l’attendrissante scène
Qu’on peut traduire ainsi, on le comprend sans peine,
Des souvenirs du cœur ne s’efface jamais.

Et que d’autres détails ici j’ajouterais,
Si je disais le vent sifflant dans le cordage,
De la mer sous les pieds l’incessant clapotage :
Au-dessus la voilure, à grand bruit répondant.
Enfin ne taisons pas l’équilibre savant,
Du navire qu’on sent et monter et descendre,
Sans fin se balançant, et pour qui sait comprendre
Emblème de la vie, ou si peu de repos.
La barque est l’homme même, et nos ans sont les flots.
La barque hors du port ne sait vers quels rivages,