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Page:Pert - Charlette.djvu/106

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Femme d’un riche industriel qui, après un krach, s’était fait sauter la cervelle, elle se trouva subitement sans ressources, avec un fils encore enfant. Utilisant avec adresse une belle voix, un réel talent de piano, elle s’était imposée hardiment comme musicienne salariée dans le monde où elle trônait naguère, voilant farouchement ses blessures, niant les humiliations qu’elle recevait à tout moment.

Encore belle, toujours correctement vêtue de velours noir, lorsqu’elle causait et riait dans un salon, personne n’eut pu supposer qu’elle déjeunait d’un croissant, vivait dans un taudis et se levait à cinq heures du matin pour lessiver son linge et celui de son fils.

Au repos, quand elle ne s’observait point, ses dé- boires et ses luttes apparaissaient cruellement dans sa physionomie haineuse, sauvage, son visage in- quiet, à l’œil noir creusé, au nez aquillin, mince et impérieux.

— Si vous voulez, Belle, déclara-t-elle avec une décision, je réserverai les fragments des « Élégies pour la fin, et nous vous donnerons tout de suite la troisième sonate de Schumann… Mon fils devra vous quitter de bonne heure, il est attendu à l’ambassade d’Italie.

— Comme il vous plaira, répondit madame du Jonquier avec indifférence.

Bien qu’elle ne rémunérât point son amie, celle-ci