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Page:Pert - Charlette.djvu/39

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lette !… Je n’oserai plus te tutoyer… et je vais te demander pardon de t’avoir embrassée comme cela, sans façon !…

Mais, elle se serra contre lui, souriant et balbutiant au travers de ses larmes :

— Si, si, aime-moi toujours, mon bon Samela !… Je ne suis guère sérieuse, va, pour mon âge… et, auprès de toi, il me semble que je suis toujours la petite fille d’autrefois !…

Alors, comme le souvenir de la gaîté et des taquineries du peintre Samela lui rappelaient aussi les caresses plus sérieuses, mais bien autrement tendres de son père, ses sanglots redoublèrent.

Samela s’éloigna, parcourant la chambre, l’air soucieux.

— Pauvrette ! murmura-t-il avec une compassion émue, bien qu’il ne pût complètement démêler ce qui se passait en l’âme de la jeune fille.

Laid de visage, le front dégarni, les yeux trop rapprochés l’un de l’autre, le teint ingrat, le nez long, légèrement incliné à gauche, la barbe dure comme des soies de hérisson, un buste interminable joint à des jambes de nain, Édouard Samela était destiné à ne jamais jouer un rôle passionnel dans la vie, à n’être jamais que l’ami, le confident. À vrai dire, il avait aimé, passionnément aimé ; il était, malgré ses quarante-six ans, peut-être encore susceptible d’éprouver un romanesque et profond