Page:Pert - Charlette.djvu/90

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les effrayantes éventualités, entassé les projets.

Une fois, dix fois, cent fois, Pierre supplia Belle de lui confier sa vie, de le laisser la prendre à jamais, l’emporter dans un lieu éloigné où ils se cacheraient… où ils élèveraient leur enfant. — Avec des sanglots, des gémissements, dans un état pitoyable, la jeune femme disait non, toujours non.

Enfin, le jeune peintre égaré, poussé à bout par cette résistance, se dressa, l’entoura de ses bras. « Veux-tu que nous mourions ensemble ? » Belle dit oui, la tête perdue, n’attachant certainement qu’un sens romanesque, vague, et nullement immédiat à ce mot… Mais lui, sincère, la croyant consentante, s’était élancé, l’attirant. — Ah ! le cri qu’elle poussa alors ! — Samela l’entendait encore, ce hurlement de bête que la malheureuse jeta, surprise par la chute, terrifiée par le froid de l’eau…

Fou, lui aussi, Samela s’était précipité et l’avait ramenée, mais seule.

Ses souvenirs l’oppressant trop, le peintre déposa sa palette, et se mit à marcher au travers de l’atelier, les mains derrière le dos, la tête baissée.

Oui, moins de vingt ans, et tout cela était si loin ! Ah ! le temps, les années… ce rouleau, ce cinématographe sans trêve qui passe… emportant les êtres et les choses… laminant les cœurs, effaçant les angoisses, les amitiés, les amours !…

Moins de vingt ans… et, malgré ses efforts, la