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Page:Pert - L Autel.djvu/125

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Au nom du médecin, les traits de Suzanne se contractèrent.

— Oh, lui !

Elle ferma les yeux, sembla se recueillir en une intérieure vision d’horreur ; puis, elle les rouvrit tout grands, et avec une expression indicible, elle dit lentement, bas :

— Ils m’ont tuée.

Madame Féraud tressaillit, douloureusement frappée,

— Chut, chut, ma chérie !… Calmez-vous. Essayez de dormir…

Un imperceptible sourire tirailla tristement les lèvres décolorées de Suzanne.

— Je n’ai pas la fièvre, je ne divague pas, dit-elle avec un peu plus de force. Je sais que je ne mourrai pas… Ceci est un accident dont je me remettrai… mais, je veux dire que je suis morte… bien morte pour l’aimer, lui Robert… pour être aimée de lui… C’est fini, je le vois bien… il s’éloigne… il s’éloignera de plus en plus… Je ne suis plus pour lui qu’une pauvre petite chose qu’il soigne, qu’il plaint, qui peu à peu lui pèsera, le répugnera… Et tout cela, à cause de ce qu’ils ont fait !… de ce qu’ils ont voulu !… de ce qu’ils m’ont imposé !… — À lui, Robert, je ne lui en veux pas, il ne se doutait pas… Mais son ami !… Ce chirurgien, et elle, cette femme… qui savaient !… Les bourreaux, les misérables !

Tout à fait alarmée par l’agitation qui montait en Suzanne, madame Féraud saisit ses mains, la conjura :

— Ne parlez pas, ne pensez pas !… Au nom du ciel, ma petite… mon enfant, fermez les yeux, apaisez-vous… ne songez plus à quoi que ce soit de pénible !…

Mais Suzanne eut un léger soubresaut, ses yeux virèrent, égarés.

— Ah ! Henriette… madame !… Je m’en vais !… Je meurs !…