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Page:Pert - L Autel.djvu/153

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étrangère à sa personnalité, qu’elle s’efforçait de réussir en toute perfection.

Elle se tourna, s’adressant indistinctement aux deux hommes, dans une interrogation où nulle coquetterie, nulle puérilité féminine ne transparaissait.

Vous m’aimez, comme cela ?

Robert n’eut qu’un grognement indistinct. Au fond, cela l’exaspérait que Madeleine jouât dans une autre pièce que la sienne.

Le poète contemplait la jeune femme avec une admi- ration émue.

— Vous êtes belle… plus belle même que mon rêve, murmura-t-il très bas, avec dévotion.

Mais Mady eut un geste de contrariété, après s’être de nouveau scrutée sévèrement.

— Non, quelque chose encore est défectueux… J’ai le regard trop moderne… Mes traits, oui, je les modèle assez bien, comme je le veux… mes yeux m’échappent. Il y luit malgré moi tout le vingtième siècle, toutes les âpretés, toutes les émotions, tous les ressouvenirs et les préoccupations de l’être actuel… Pour une heure, il me faudrait effacer tout cela… me refaire une âme d’autrefois !… Que pensait-elle, que faisait-elle votre Magdeleine ?… Oh ! oui, je sais, c’était une courtisane… elle aimait ou elle se laissait aimer… C’est vrai que c’est toujours la même chose à vingt siècles de distance… Pourtant, il y a tant de nuances !… Tenez, venez ici, et dites-moi, vous qui avez tant étudié ces époques lointaines, dites-moi quelles étaient ses occupations journalières, les détails de son existence intime vulgaire… que je la vive vraiment…

Levé péniblement, La Boustière s’était approché de la comédienne, toujours assise ; et, la main sur le dossier