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Page:Pert - L Autel.djvu/187

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Après tout, plus le drame se banaliserait, et plus il avait chance de plaire à la foule qui n’aime guère les thèses trop neuves ni les pensées trop puissantes. Et, ce qu’il avait dédaigné jusqu’alors, il se promit de semer le dialogue de cet esprit facile à ceux qui fréquentent les coulisses, les salles de rédaction, les brasseries de noctambules et qui émoustille immanquablement le public.

Durant un instant fugitif, il songea avec amertume à la façon pour ainsi dire religieuse dont il avait écrit son premier drame, en creusant obstinément les personnages, en s’efforçant, jusqu’à l’hallucination, de vivre les scènes, en s’enthousiasmant des idées nouvelles et personnelles, hardies parfois, qu’il imposerait au public. — Et voici que, maintenant, tout ce feu était mort…

Voici qu’il glissait au faire banal, insouciant, au truquage de tant de ses confrères, naguère blâmés et méprisés par lui !… Voici, que comme eux, son esprit se dérobait, lâche, devant les problèmes trop graves ; voici qu’il consentait à recommencer l’éternelle pièce ressassée, aux silhouettes de convention, et que rajeunit une seule parure de surface !…

Mais il secoua les épaules. N’était-il pas conduit impérieusement par la nécessité ? Quand il aurait payé sa dette, fourni ses deux pièces à l’avidité de Sallus, il serait libre de recommencer à travailler avec la conscience de jadis.

L’après-midi passa vite pour lui, et il s’attarda si bien à la rédaction de la Lanterne Théâtrale, où son succès du Théâtre-Moderne lui valaient un empressement, des flatteries chatouillantes, qu’il dut se rendre au théâtre sans prendre le temps de dîner.

— Bah ! J’aurai de l’appétit pour le souper, pensa-t-il, l’estomac affadi, d’ailleurs, par la bière ingurgitée