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Page:Pert - L Autel.djvu/193

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échappé de ses lèvres le secret gardé jusqu’alors pour elle seule.

La voiture quittait la rue de Choiseul pour traverser le boulevard des Italiens et gagner la rue Laffitte.

Après la nuit de la petite rue que surplombait la masse énorme et sombre du Crédit Lyonnais, c’était tout à coup la joie lumineuse, à la fois élégante et obscène du boulevard nocturne, grouillant de voitures et de promeneurs, dans l’atmosphère lourde, déjà estivale. Partout, aux rez-de-chaussées et aux combles des façades, les affiches électriques clignaient, blanches, rouges ou vertes, violentant l’attention. Et sur le trottoir, à côté des paisibles groupes familiaux flânant à la sortie du théâtre, des volées de filles peintes, jupes courtes sur les bottines jaunes, coiffées coquettement sous le pauvre chapeau, pépiaient très haut, s’abordaient, se quittaient, s’injuriaient, aguichant les passants ou allant effronté- ment jeter un mot à l’ « ami » qui guettait le trafic au bord du trottoir ou adossé à une devanture close, les mains dans les poches, la cigarette aux lèvres, le chapeau melon, beige ou noir, enfoncé sur les cheveux pommadés.

C’était, au sortir de la paix sommeillante des rues voisines, une coulée extraordinaire de vie, de vices, de passions, la mêlée facile, simple, des êtres les plus dissemblables : bourgeois ignorés, célébrités, champignons de boue sociale, côte à côte sous l’étincellement froid, comme impassible et dédaigneux de l’électricité.

Rentrant dans la quasi-obscurité de la rue Laffitte, après le court éblouissement de la traversée du boulevard, Robert Castély se ressaisit :

— Voyons, parlez-moi ! dit-il avec une sourde colère. Êtes vous sûre de ce que vous dites ?

— Certes !… Sans quoi, je me tairais…