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Page:Pert - L Autel.djvu/240

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les seuls hôtes masculins de la villa, et pas plus de trois femmes occupaient les vastes appartements que madame Galletier mettait à la disposition de ses amies.

Le café était servi, accompagné d’une infinité de liqueurs et de mélanges extraordinaires ; le domestique avait déposé sur la table de nacre des boîtes de cigares et des coupes de cigarettes. Des gerbes de grosses roses roses encore belles, mais datant de la veille, mettaient une odeur de chair meurtrie dans la pièce, que des stores baissés préservaient des souffles du dehors.

Immédiatement enlacées, les deux poétesses, Maud et Matilda, l’Italienne et l’Anglaise, deux admirables créatures, l’une brune, aux traits d’une superbe bestialité sensuelle, l’autre blonde, aux cheveux vaporeux, aux prunelles d’azur, vêtues de crêpe de chine saumon pour la première, blanc pour la seconde, les deux poétesses, la cigarette d’Orient aux lèvres, s’étaient étendues sur le divan, dans l’embrasure large ouverte sur la mer… Mer s’étalant à trente mètres en bas de la falaise, d’un indigo tournant au violet, sous la torpeur torride d’un midi qui voilait l’immensité de l’horizon d’une brume épaisse.

Silencieuses, belles jusqu’à l’invraisemblance, les bras à la taille, les hanches épousées, leurs cils baissés sur leurs regards morts, Maud et Matilda se répétaient en dedans des rimes savantes et harmonieuses, sur le rythme de Psapphâ. Peut-être ruminaient-elles aussi l’excellent déjeuner substantiel et les vins abondants de madame Galletier, n’étant point dédaigneuses, ces belles filles, de la chair saignante, des fruits juteux, des liqueurs de joie et d’ivresse.

À elles deux elles n’atteignaient pas tout à fait l’âge de la maîtresse du lieu, qui s’asseyait à l’extrémité de la pièce, en compagnie du docteur Julien Dolle ; tandis