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Page:Pert - L Autel.djvu/27

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d’hui ! murmura-t-elle, avec une gratitude pour ce lieu dont le charme endormait son souci.

Mais lui, ferma les paupières, comme repoussant la douceur ambiante.

— Il fait triste, aussi… N’as-tu jamais ressenti cette profonde mélancolie, que la paix, la sereine force de la matière fait lever en soi… Ah ! combien devant ce calme immense l’on perçoit nettement la fragilité, le perpétuel trouble, la souffrance sans trêve de l’humanité !… Ce bonheur stupide, immuable, grandiose des choses, qui ne l’envierait !

Flattant doucement le cou de Robert avec ses doigts dégantés, Suzanne railla :

— Tu voudrais être une pierre, de la mousse, un brin d’herbe ?… Eh bien ! quand même, tu n’échapperais pas à la loi universelle de souffrance et de destruction… Est-ce que l’herbe et la mousse ne meurent pas sous la gelée ?… Est-ce que le temps n’effrite pas la pierre ?

Robert se, serra plus fort contre elle. Sa fièvre de toute la matinée se fondait en un apitoiement sur lui-même, un désir de se faire plaindre, d’étaler tout ce qu’il y avait de blessures, de rancœurs au fond de lui, cachées orgueilleusement aux yeux des étrangers.

Et il cédait au double besoin de se soulager et de faire mal à celle qui l’écoutait, moitié pour alléger sa peine en la partageant, moitié par secrète rancune contre cette frêle Suzanne de la complication que sa malheureuse féminité mettait dans leur existence, déjà si tendue, si précaire.

Il faisait appel à la tendresse de l’amante, autant qu’il se vengeait de la résistance de la jeune femme à son vouloir, obscurément irrité de l’obstacle contre lequel sa fortune mal assurée allait peut-être se heurter, jaloux