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Page:Pert - L Autel.djvu/314

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Mais Valentine venait à lui, pleine d’entrain et de bonne grâce, attirant l’attention des autres voyageurs par sa mise claire, la richesse de l’étole de plumes champagne qui l’enveloppait, par l’allure exagérément « bonne faiseuse » de son chapeau fleuri, par sa haute taille et sa voix, pas précisément éclatante ni perçante, mais singulièrement sonore.

— Hein ! on s’embrasse comme dans la bonne province ? s’écria-t-elle avec une gaieté qui voulait être entraînante.

Et, avant que Robert eut eu le temps d’esquiver ou même de prévoir son geste, elle avait déposé deux gros baisers sur ses joues.

Il sourit avec contrainte.

— Vous êtes un peu folle, je crois, Valentine, murmura-t-il, en appelant de la main un homme d’équipe pour s’occuper de son bagage.

Madame de Mamers avait passé son bras sous celui du jeune homme et se serrait amoureusement contre lui, le dévorant de regards ardents.

— Folle de toi, oui, certes !… Songes-tu que voilà six semaines exactement que nos corps n’ont connu ensemble la divine communion ?

Depuis que, pour la première fois de sa vie, Valentine était empoignée sérieusement par un « béguin » devenu bel et bien une passion, elle avait adopté une terrible phraséologie enflammée, qui crispait son amant au plus haut point sans qu’elle s’en doutât.

— Prenez garde ! on vous entend, s’écria-t-il précipitamment.

Car, bien qu’elle se fût efforcée de prononcer bas ces paroles suggestives, son timbre sonore était parvenu aux oreilles de plusieurs passants, qui s’esclaffaient plus ou moins discrètement.