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Page:Pert - L Autel.djvu/319

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une telle liberté devant elle et à son sujet. C’était la seule fois qu’il lui eût laissé voir combien lui étaient désagréables les privautés qu’elle-même trouvait charmant d’étaler vis-à-vis d’inconnus.

Elle se rejeta en arrière.

— Ah ! Ah ! gronda-t-elle, l’œil mauvais, la mâchoire agressive.

Revenu à lui, à sa prudence habituelle, Robert eut un rapide regard sur elle ; et, brusquement, devant le masque tragique, convulsionné, menaçant de sa maîtresse, il sentit fondre toutes ses velléités de révolte.

Il mesura la profondeur de l’ornière de laquelle il sortait à peine ; il supputa les services qu’il pouvait encore attendre de cette femme énamourée ; il pesa tout le mal qu’elle pouvait lui faire si aisément ; et, soudain, transformé, souple, la physionomie détendue, éclairée d’un bon sourire, il hocha la tête.

— Grande folle, va ! murmura-t-il d’une voix caressante, pendant que sa main se glissait derrière la taille de sa maîtresse. Tout de suite reconquise, frémissante, elle eut un geste instinctif du buste, pour se coller à lui.

— Robert ! Mon Robert ! fit-elle d’un accent rauque et passionné.

Il mit un doigt sur sa bouche. — Chut !…

Lorsqu’ils s’arrêtèrent, avenue de l’Alma, peu de moments plus tard, l’écrivain promit docilement de rejoindre madame de Mamers à l’entresol, dès qu’il aurait paru durant quelques instants dans l’appartement conjugal.

Il trouva Suzanne dans sa chambre, étendue sur une chaise-longue. Les persiennes à moitié fermées mettaient une quasi-obscurité dans la pièce, assez vaste, luxueusement décorée de meubles neufs.