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Page:Pert - L Autel.djvu/33

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et suivirent machinalement la foule au même pas de hâte. En haut, sur la place, le froid les ressaisit.

— Rentre vite, conseilla Robert affectueusement.

Il accompagna la jeune femme durant une dizaine de pas, et obliqua soudain.

— À ce soir !…

Tête basse, sans répondre, elle chemina, trébuchante. Puis, subitement, elle se retourna, hantée d’une pensée. Là-bas, Robert entrait au bureau de poste. Elle demeura immobile, inconsciente du mouvement des passants autour d’elle, jusqu’à l’instant où elle vit le jeune homme ressortir, tenant à la main une enveloppe qu’il glissa dans l’ouverture des « pneumatiques » avant de filer rapidement par la rue de Douai.

Elle vira automatiquement et reprit sa marche lente, les yeux fixés sur le sol, apercevant, tracés de l’écriture allongée, féminine de Robert sur l’enveloppe bleue, le nom et l’adresse du docteur Julien Dolle… Dedans ?… Oh ! sans doute quelques mots brefs… évocateurs de souffrance, de sang, de crime, en leur banale simplicité.

Elle s’arrêta, chancelante. Tout tournoyait autour d’elle. Ses yeux éperdus errèrent, appelant à l’aide, dans ce vide immense de la rue urbaine, où tant de vies vous coudoient, indifférentes, absentes, absorbées dans leurs propres tourments…

Une bouquetière approcha, tendant son panier : C’était celle qui avait vendu, quelques heures auparavant, la botte de lilas blanc qui gisait à présent tout là-bas, sur l’herbe foulée du bois, oubliée au pied des chaises rapprochées.

Machinalement, Suzanne porta la main à son corsage ; une branche qu’elle y avait glissée pendait, flétrie à cette heure, non plus fleur délicate et radieuse, mais