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Page:Pert - L Autel.djvu/343

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puisque je souffre, moi aussi, puisque, par moments, je me raidis pour ne pas rejeter brutalement ce fardeau qui m’oppresse, quitte à retomber dans l’ornière de jadis… Je t’aime, toi qui es ma jeunesse, tout ce qu’il y avait de délicat, de fleuri et de sain en moi… Crois ce que je te dis, je t’en supplie, car c’est la vérité…

Elle sourit encore plus tristement qu’auparavant.

— Tu es sincère, je le vois et je sais bien que moi, ta pauvre petite Suzanne, je suis une parcelle de toi. Oui, je suis ton âme d’autrefois… mais, cette âme d’antan, hélas ! elle agonise avec moi…

À genoux, il sanglota. — Vis ! et elle vivra peut-être !

Elle secoua la tête. — Je ne peux plus vivre… pas plus que tu ne peux redevenir ce que tu as été.

Henriette Féraud approchait, les yeux fixés sur la jeune femme avec une inquiétude visible.

Elle posa sa main sur l’épaule de Robert.

— Laissez-la reposer, recommanda-t-elle, c’est trop d’émotions…

Castély se redressa, baisa encore plusieurs fois la main de Suzanne, et se retira lentement, courbé et las.

Suzanne attacha ses yeux de crucifiée sur son amie, ses petites mains amaigries jointes et crispées.

— Ah ! murmura-t elle avec désolation, il faudrait pouvoir mourir vite… en beauté… quand on laisserait encore quelques regrets.. un peu d’émotion dans un cœur qui n’est pas tout à fait désséché… et malheureusement, la vie s’acharne chez les condamnés, les traîne en longueur dans toutes les misères des agonies qui durent !…

À peine Castély fut-il entré dans son cabinet que le domestique lui remit une enveloppe fermée, à l’adresse hâtivement écrite.