Aller au contenu

Page:Pert - L Autel.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

geaient sans but, les prunelles vitreuses, dépourvues de regard. Sa plainte montait plus haut.

— Allons, il faut se réveiller ! s’écria Sacha.

Et passant son bras sous l’aisselle de la jeune femme, elle la souleva complètement et l’assit dans le lit.

Une clameur, des paroles précises jaillirent de la bouche de Suzanne :

— Ah ! je souffre !…

Sacha l’encouragea.

— Ça va bientôt finir… Le plus rude est terminé pour vous… C’est à nous de peiner.

Et s’adressant à Robert :

— Tenez, soutenez-la jusqu’à ce que nous soyons prêts… il ne faut plus qu’elle s’allonge.

Tremblant, Robert reçut le frêle fardeau, s’excitant à parler abondamment, bien qu’il fût douteux que Suzanne le comprit. C’était pour lui-même plutôt que pour elle qu’il remplissait ainsi le silence de la pièce.

Cinq minutes, qui lui semblèrent des siècles suffirent au docteur et à l’interne pour transformer la salle à manger en une salle d’opération : les chaises portées dans les pièces voisines, la table dégarnie de son tapis, des cuvettes, des linges, des instruments disposés sur l’étagère et sur le buffet.

Ils revinrent prendre Suzanne.

— Couvrez-lui le visage d’un mouchoir, recommanda Sacha à Robert, tandis qu’ils enlevaient le petit corps tout contracté.

Suzanne ne devait garder par la suite qu’une notion absolument confuse de ces instants, de la sensation désagréable d’abord du chloroforme, puis de la détente bienfaisante qui suivit, de la chute heureuse dans l’anéantissement qui lui dérobait toute la souffrance, toute l’horreur de l’opération.