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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/122

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riaient plus fort encore, croyant à une dernière singerie, lorsque, descendant rue Royale, elle ouvrit deux larges yeux clairs, demandant :

— Qu’est-ce que j’ai dit depuis une demi-heure ?… Je ne me souviens plus de rien !

Elle était sincère.

Cette fois, Mlle Lavernière resta saisie de l’élégance du lieu où l’on entrait et dont elle ne pouvait percevoir le frelaté de l’équivoque.

Un domestique en livrée voyante se hâta de faire manœuvrer la porte tournante, qui projeta l’institutrice à l’entrée d’une longue galerie blanche, tapissée de glaces, remplie de plantes vertes, meublée de canapés profonds, de moelleux fauteuils de panne claire, sur lesquels une nuée de jolies femmes aux toilettes de prix, aux fourrures opulentes, causaient bas, avec des gestes étudiés et toute une pantomime gracieuse et savante ; car leur conversation sans intérêt n’était qu’un prétexte à jolies attitudes.

Parmi elles, peu d’hommes ; et ceux-ci, de très jeunes gens — silhouettes de snobs — ou des étrangers cossus, d’un certain âge.

Des garçons en habit noir s’empressaient autour des nouveaux arrivants, qui s’installèrent à un guéridon nappé de blanche toile damassée ornée de guipure. Un cornet de cristal contenait une gerbe de roses, de mimosas, d’anémones bleues et cramoisies, au doux parfum frais.

Ici, l’orchestre revêtu de l’inévitable veste rouge, mais qui affectait la forme d’un smoking et dédaignait les soutaches d’or, jouait presque continuellement en sourdine des morceaux qui accompagnaient sans les troubler les causeries, les flirts, qui rythmaient harmonieusement les allées et venues des femmes qui entraient, sortaient, ou voisinaient de table en table, avec l’allure factice et spéciale des comédiennes en scène.

Au premier étage, une série de petits salons en