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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/163

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grand, d’une maigreur élégante, les mains fines et délicates. Une chemise de laine grise trouée, serrée à la ceinture par une écharpe rose prodigieusement sale, laissait voir le bronze fauve du torse, des bras et des jambes nus. Une mousseline verte enroulée autour de son front ombrageait un superbe visage jeune, fier, de coupe anguleuse, à l’expression dédaigneuse, sournoise et tendre.

Indifférent — plutôt méprisant — du public qui se pressait autour de lui, il relevait rarement ses paupières qui voilaient d’admirables yeux sombres. Impassible et lent, il poursuivait sa besogne minutieuse, comme perdu en des pensées lointaines ou enseveli dans un étrange néant.

Cady s’était faufilée au premier rang et étudiait, absorbée, le bel Arabe.

— De longues minutes s’écoulèrent ; le public se renouvela dix fois autour de la forge du joaillier, puis devint plus rare : ce nègre silencieux et dédaigneux ne retenait pas la foule.

Cady demeura presque seule, debout, figée en sa contemplation.

Soudain, comme s’il eût été obscurément averti de cette présence, il leva la tête, et ses yeux de ténèbres enveloppèrent d’un regard rapide la silhouette de la jeune fille. Il ne dit mot, rabaissa ses paupières et se remit à travailler.

Cependant, à plusieurs reprises, son regard se releva, s’attacha de plus en plus longuement au visage, aux yeux de Cady, droite, silencieuse comme lui et suivant patiemment son travail.

C’était un bracelet composé de deux tors d’argent, terminé aux extrémités par des boules grossièrement modelées que l’ouvrier criblait de pierres de couleur en relief, serties en un filigrane délicat.

Subitement il se redressa et fit signe à Cady d’approcher.

— Viens, dit-il d’une voix gutturale. Achète.