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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/184

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— Vous êtes donc une vraie baronne, vous ?

— Pas le moins du monde !

La bonne femme agita les bras, grommela des paroles inintelligibles, les yeux attentivement attachés sur la fillette. Puis, soudain, elle tourna le dos.

— C’est bon ! fit-elle, calmée, on vous servira dans le cabinet de Monsieur.

C’était, au rez-de-chaussée, une petite pièce close, bien chauffée et sentant un peu le moisi et le vieux papier. Pendant que Georges s’installait au bureau, couvrant le papier de correspondance d’affreux bonshommes informes tracés à l’encre, Cady s’asseyait dans un grand fauteuil où elle avait eu la joie de découvrir un chat gris qui se pelotonna immédiatement contre elle en ronronnant.

— Quel amour !

Émile, enchanté, aidait la gouvernante à apporter une table de l’antichambre, disposait la nappe et surtout comptait et étudiait les bouteilles de vieux vin la vieille avait montées de la cave à son intention. Au fond et malgré ses injures, elle avait un faible pour lui.

— C’est du choix ! constata-t-il avec satisfaction.

La vieille remarqua, de son ton rude habituel :

— Oui… oui… Si vous vous piquez le nez, ça ne sera pas avec de la rinçure de pot de chambre.

Et elle descendit chercher les œufs, puis le poulet, la salade et les légumes. Les enfants dévoraient avec appétit ; Émile vidait verre sur verre, les pommettes peu à peu allumées ; Georges réclama du champagne.

La gouvernante déposa la crème sur la table, ainsi que deux dernières bouteilles.

— Tiens, mauvais moucheron, voilà plus qu’il n’en faut pour te pocharder !

De fait, dix minutes plus tard, le petit garçon étourdi, assommé par le liquide capiteux trop rapidement absorbé, s’affaissait sur la table, la figure dans ses mains, ses boucles blondes allongées sur la nappe.