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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/190

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C’était en habit noir, cravaté de blanc qu’il avait reçu les invités, avec mille singeries pour blaguer les gens du monde, et quelques obscénités afin de faire rire les convives.

Puis, pour se mettre à table, il avait retiré son habit qui lui « déchirait les entournures ». En manches de chemise, il gesticulait et pinçait galamment ses voisines, l’Anglaise et Paulette, la femme de chambre de la « cocotte d’en face », tandis que Maria le regardait jalousement, s’abandonnant, sans y penser, aux entreprises sournoises du concierge et du gros maître d’hôtel, entre lesquels elle se trouvait.

Le service était fait par la femme de ménage qui nettoyait les escaliers, louée pour la circonstance, ces messieurs et ces dames voulant se payer, pour un soir, l’illusion d’être les maîtres du logis.

Jeanne se glissa auprès du petit groom louche de l’entresol, et Cady se plaça, l’air froid et détaché, à côté de la concierge, une femme douce qui portait le deuil éternel des quatre enfants qu’elle avait perdus.

Le menu était copieux, les mets fins, les vins abondants ; et, même avant que les têtes fussent réellement échauffées, tous riaient et parlaient fort haut pour se prouver à eux-mêmes qu’ils s’amusaient.

Et, dans le décousu des conversations, des lieux communs, des plaisanteries vulgaires, que l’on échangeait, un même thème s’imposait, interminable et obsédant. Les uns et les autres revenaient invinciblement au ressassage de leurs griefs, de leurs rancunes contre leurs patrons. Tous, à tour de rôle ou simultanément, détaillaient les tours joués, les hypocrites représailles, remâchaient leur fiel, exhalaient leur mépris, leur dégoût, leur haine envers ceux qui les payaient, et à l’ombre desquels ils devaient vivre, aveugles, sourds, en rouages silencieux et actifs, plutôt que comme des êtres humains…

Après la vindicte exprimée en termes généraux,