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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/52

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— Prends garde que je te mange ! fit-il en montrant une denture formidable.

Mais elle eut tôt fait de se retrouver sur ses pieds ; et, affectant de bouder :

— Vous m’avez égratigné le bras !

— Pas possible ?

— Oui… C’est cette vilaine breloque-là, pendue à votre chaîne.

Il détacha l’objet, un morceau d’ambre curieusement travaillé, et le fourra dans l’ouverture décolletée du corsage de la fillette.

— Tiens, casse-le, ou jette-le.

Elle retira le cadeau avec vivacité, le baisa coquettement et le glissa dans sa poche :

— Vous êtes tout de même gentil ! s’écria-t-elle.

Et, lui tournant le dos sans plus de reconnaissance, elle courut à son ami Victor Renaudin, le jeune magistrat originaire de la Sambre qui, depuis un an, grâce au député, occupait les fonctions enviées de juge suppléant près du tribunal de la Seine.

Celui-ci, qui avait suivi avec amusement la petite scène précédente, l’accueillit en souriant.

— Ah ! ma pauvre Cady, tu as tort de venir me trouver, railla-t-il. Aujourd’hui, je t’ai oubliée, je n’ai rien à te donner.

Elle posa une main sur son cœur, roula des yeux passionnés et proféra avec une intonation impayable :

— Si vous m’apportez votre amour, c’est tout ce qu’il me faut !…

Louis Albert-Debouvieille, l’élégant et toujours jeune conseiller d’État, le célèbre pacifiste, ôta sa cigarette de ses lèvres pour mieux rire.

— J’espère que voilà une déclaration !… Vous avez de la chance, Renaudin !… Moi je n’ai jamais pu me faufiler dans les bonnes grâces de Cady !…

Elle le toisa avec un sérieux comique.

— Pardi ! s’écria-t-elle. Vous êtes un fumiste, vous ! Je n’aime que les bons types sincères !