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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/93

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hommes dont elle s’amusait à suivre sournoisement le secret et vague émoi sensuel, elle n’en graduait point l’intensité avec prudence, car elle se savait suffisamment défendue par l’ambiance, par l’impossibilité où les autres se trouvaient de se laisser emporter par leur émotion.

Mais, à cette heure, sa petite science était brusquement désemparée devant la nécessité d’évoluer dans des conditions nouvelles au milieu du danger de la solitude, livrée à ses seules forces.

Elle comprenait que son rôle était doublement ardu aujourd’hui, parce qu’elle se trouvait en face d’un individu qui était précisément celui avec lequel ses coquetteries aiguës avaient été le plus loin et comportaient le plus de sous-entendus voluptueux. C’était aussi l’homme sans préjugés, sans responsabilités, sans frein, l’égoïste réfractaire aux illusions sentimentales et de sensualité surtout cérébrale, celui qu’elle pressentait le plus capable de s’émouvoir profondément pour le troublant mystère d’une âme et d’un corps de femme-enfant.

Si sûre d’elle-même dans les circonstances qui lui étaient familières, Cady éprouvait, à cette minute, une irritante appréhension de commettre des gaucheries, de se montrer au-dessous du rôle encore inconnu qui lui échéait.

Et quelque chose venait aggraver son embarras : l’évidente compréhension de Jacques Laumière qui, intéressé, souriant, semblait suivre, à mesure qu’ils se formulaient, les sentiments et les sensations de la fillette, dépaysée à ses côtés.

Cependant, elle ne tarda pas à reprendre son équilibre, car le peintre, avec tact, avait écarté tous les souvenirs de familiarité équivoque qui les unissaient, et, seul avec elle, il la traitait avec une camaraderie tranquille et presque respectueuse, supprimant même le tutoiement qui leur était habituel.

L’atelier, qui faisait partie de l’appartement du