Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 1.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
[1203] de la conqueste

campagne, il survint un insigne malheur et un grand desastre à Constantinople, par une querelle qui s’alluma entre les Grecs et les Latins qui y estoient habituez en grand nombre ; durant laquelle je ne sçai quelles gens mirent malicieusement le feu dans la ville, qui fut si grand et si horrible, qu’on ne le pût éteindre ny appaiser. Ce que les barons de l’armée qui estoient logez au delà du port ayant apperceu, ils en furent fort fâchez, et eurent grande compassion de voir ces hautes églises et ces beaux palais tomber et se consommer en cendres, et les grandes ruës marchandes avec des richesses inestimables toutes en feu et en flammes, sans qu’ils pûssent y apporter remede. Ce feu prit depuis le quartier qui avoisine le port, et, gagnant le plus épais de la ville, brûla tout ce qui se rencontra jusques à l’autre part qui regarde la mer de la Propontide, le long de l’église Sainte Sophie, et dura huit jours sans qu’il pût estre éteint, tenant bien une lieuë de front.

108. Quant au dommage que causa le feu, et les richesses que cét embrasement consomma, c’est chose qui ne se peut estimer, non plus que le nombre des hommes, femmes et enfans qui y finirent leurs jours par les flammes ; à cause dequoy tous les Latins qui estoient habituez dans Constantinople, de quelque contrée qu’ils fussent, n’y ozérent plus demeurer, et furent obligez de se retirer avec leurs femmes et enfans, et tout ce qu’ils pûrent sauver du feu, dans des barques et autres vaisseaux au mieux qu’ils pûrent vers les pelerins, en si grand nombre qu’ils se trouvérent bien quinze mil, tant grands que petits. Il vint aussi bien à propos aux pelerins de ce qu’ils passé-