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SUR VILLE-HARDOUIN

contestations on partagea la ville en deux quartiers, dont l’un fut occupé par les Français, l’autre par les Vénitiens. L’imprudence qu’eurent les chefs de ne pas profiter d’un premier succès pour en obtenir de nouveaux, et pour étouffer ainsi les murmures, pensa devenir très-funeste. Dès le troisième jour, les mécontens ayant semé la division entre les deux nations, elles se livrèrent un combat terrible dans l’intérieur de la ville. Déjà le sang couloit à grands flots : l’armée alloit elle-même s’exterminer, lorsque les chefs se précipitèrent au milieu des combattans. Ville-Hardouin, également estimé des Français et des Vénitiens, brava les plus grands dangers pour les apaiser. Mais ce qui contribua le plus à calmer les esprits, ce fut de voir le vieux doge, exposant son front vénérable aux coups des deux partis, faire les derniers efforts pour obtenir qu’ils cessassent de s’égorger.

Cette sanglante leçon étouffa pendant quelque temps les murmures. Sur la fin de l’hiver, on vit arriver une ambassade qui changea entièrement le but de l’entreprise. L’Empire grec avoit éprouvé une révolution dont il est nécessaire de donner une idée, et de retracer les causes.

Les trois premiers Comnène, quoiqu’ils fussent loin d’être de grands princes, avoient raffermi en apparence les fondemens dès long-temps ébranlés de cet Empire. L’artifice, plus que la valeur, les avoit fait quelquefois triompher des Sarrasins et des Bulgares : les plus lâches trahisons les avoient seules préservés du danger que faisoient courir à leur trône le voisinage des Croisés en Asie, et les renforts qui leur arrivoient d’Europe ; mais les succès dus à de tels