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de l’empire latin.

habileté. Il lui demanda quel étoit le jour où il avoit épousé Marie comtesse de Champagne, dans quel lieu ce mariage avoit été célébré, dans quelle ville il avoit reçu l’ordre de la chevalerie, et quelle étoit l’époque précise où il avoit fait hommage à Philippe-Auguste de son comté de Flandre. L’hermite ne put satisfaire à aucune de ces questions : feignant que ses longs malheurs avoient altéré sa mémoire, il pria le Roi de lui accorder jusqu’au lendemain pour se rappeler des faits et des dates qu’il avoit depuis long-temps oubliés. Il obtint ce délai, et la nuit suivante il s’échappa de Péronne. Arrivé d’abord à Valenciennes, ou ses partisans étoient en très-grand nombre, il fut effrayé de leur abandon. Il passa ensuite à Nivelle, où il ne reçut pas un meilleur accueil : son masque étoit tombé, et les mécontens qui l’avoient soutenu n’osoient plus l’avouer. Ne se trouvant pas en sûreté dans la Flandre, il partit pour Cologne, et disparut à tous les regards.

Le Roi et la comtesse ordonnèrent contre lui les perquisitions les plus sévères : long-temps les recherches furent vaines ; enfin Erard du Chatenay, seigneur bourguignon, découvrit qu’il s’étoit retiré secrètement à Rougemont, village qui lui appartenoit. Il le fit arrêter, et l’interrogea. L’imposteur, n’osant plus déguiser la vérité, déclara qu’il s’appeloit Bertrand de Raiz, et qu’il avoit été alternativement ménestrier, comédien et hermite. Il fut conduit au Roi, qui ordonna de le livrer à la comtesse Jeanne. Cette princesse lui fit expier ses longues inquiétudes : on le traîna sur un âne dans toutes les villes qui l’avoient reconnu comme l’empereur Baudouin, et lorsque le peuple