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de l’empire latin.

sur la prise de Constantinople. Il fit même emprisonner celui qui le premier lui en apporta la nouvelle. Il connoissoit le général et les troupes, et ne pouvoit avec raison se figurer qu’ils eussent tenté, contre ses ordres, une entreprise aussi hardie.

En effet, ce ne fut pas le courage qui rendit Stratégopule vainqueur. Le hasard, la ruse, et surtout le secours des paysans, mirent en quelque sorte malgré lui Constantinople en son pouvoir. Quelle différence entre la conduite de ce César, qui, n’entrant qu’avec crainte dans une ville surprise en l’absence de ses défenseurs, veut fuir au premier obstacle, et celle des premiers conquérans qui, sous les ordres de Dandolo et de Baudouin, emportèrent deux fois de vive force cette place jugée imprenable, et défendue par une innombrable armée !

On doit aussi faire une observation qui marque encore mieux le caractère particulier des deux peuples. Quoique les lois sur la succession au trône fussent à peu près les mêmes à Constantinople qu’en France, les Grecs étoient rarement fidèles à leurs empereurs : le chemin du trône s’ouvroit à tous les ambitieux, et cette époque de leur histoire offre, comme on l’a vu, plusieurs usurpations ou la cruauté se joignoit à la perfidie la plus abjecte. Les Français, au contraire, ne trahirent jamais le sang de leur premier empereur ; on ne vit aucun de leurs guerriers aspirer au trône. Quoique Robert et Baudouin ii fussent évidemment indignes de régner, aucune conspiration ne fut formée pour leur enlever le pouvoir ; et leurs sujets aimèrent mieux périr victimes de l’incapacité de ces foibles princes, que de se sauver en violant des sermens qu’ils