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SUR VILLE-HARDOUIN

son courage imperturbable, rétablirent la confiance. L’homme qu’une noble modestie avoit tenu jusqu’alors au second rang parut digne du premier, et cet homme devint un héros. Il fit sortir les troupes du camp, les mit en bataille, et recueillit une partie de ceux qui avoient échappé au massacre. Les autres, égarés par la crainte, se dispersèrent de divers côtés, et quelques-uns portèrent à Constantinople la nouvelle de cette horrible défaite. Ville-Hardouin se concerta avec le doge, qui, accablé dans ce moment par les douleurs de la goutte, n’étoit pas moins disposé à tout oser pour sauver l’armée, et sembloit s’élever par son courage ferme et tranquille au-dessus de la nature humaine. La retraite étoit très-difficile : l’armée se trouvoit réduite de moitié ; il falloit faire cinq journées de chemin au milieu d’un pays révolté ; il falloit échapper aux attaques d’un ennemi victorieux et plein d’ardeur ; les vivres manquoient, et le découragement étoit général.

La retraite, que Gibbon compare à celle de Xénephon, s’effectua pendant la nuit. Le doge conduisoit l’avant-garde, où le danger étoit moins grand. Ville-Hardouin, se portant partout, veilloit principalement sur l’arrière-garde, sans cesse exposée aux attaques des Bulgares. Dans des escarmouches qui se renouveloient sans cesse, il eut constamment l’avantage ; son armée ne fut pas entamée, et il trouva le moyen de la faire subsister au milieu d’un pays dévasté. En arrivant près de la ville de Pamphile, il eut la consolation de trouver un corps d’armée qui arrivoit d’Asie à marches forcées, et qui précédoit de quelques jours le prince Henri. Pierre de Braiemel, qui