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NOTICE.

Il est cependant peu d’ouvrages dont la lecture soit plus agréable et plus attachante ; le caractère de l’auteur s’y déploie tout entier : on le voit tour à tour courtisan aimable, chevalier loyal, ami sensible et chrétien plein de ferveur.

Nous avons déjà donné quelque idée du tableau qu’il fait de son départ, de ses précautions pour tranquilliser sa conscience, et du courage avec lequel il résiste au désir d’embrasser sa femme et ses enfans : ce tableau si touchant nous paroît digne des meilleurs historiens. Mais son récit inspire encore plus d’intérêt lorsqu’il est arrivé en Égypte, et surtout lorsque l’armée commence à éprouver des revers. Tantôt on le voit céder au malheur avec une résignation attendrissante ; tantôt il prend son parti gaiement, et semble se figurer, contre toute apparence, que ces calamités auront un terme.

Lorsqu’une maladie contagieuse consume l’armée, lorsque lui-même en est atteint, il fait célébrer la messe dans sa chambre, par son chapelain, frappé aussi de cette espèce de peste. Le voyant près de s’évanouir, il s’élance de son lit, le soutient et l’exhorte à reprendre courage pour terminer le sacrifice : « Adonc, continue-t-il, s’en revint ung peu, et ne le lessé jusques adce qu’il eust achevé son sacrement, ce qu’il fist. Et aussi acheva il de célébrer sa messe, et onques puis ne chanta, et mourust. Dieu en ayt l’ame. » Y a-t-il rien de plus touchant que cette expression si simple : et onques puis ne chanta ? et ne voit-on pas qu’elle a donné l’idée, à l’auteur de la tragédie des Tem-