Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/212

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ment ilz devoient croire la foy de Dieu. Et tantost s’en retournerent les deux freres mineurs devers le Roy, le cuidant trouver en Acre. Mais il estoit ja à Cezaire. Et lors s’en retournerent en France.

De savoir comment les autres messagiers que le Roy avoit transmis devers le roy de Barbarie furent receuz, ce seroit merveilles à raconter, ainsi que je le ouy compter au Roy et à eulx, mesmement depuis par plusieurs foiz le leur demandé. Mais je n’en diray icy riens, de paeurs de desrompre le principal de ma matiere encommancée.

Vous devez savoir que, du temps que je party de France pour venir oultre mer, je ne tenois alors point plus de douze cens livres de rente : et si me chargé moy dixisme de chevaliers, comme j’ay dit devant, avecques trois bannieres. Et quant je fu arrivé en Chippre, je n’avoie plus que douze vingtz livres tournois d’or ne d’argent, quant je eu payé ma nef : tellement que plusieurs de mes chevaliers me disdrent qu’ilz me habandonneroient, si ne me pourveoye de deniers. Lors fu quelque peu esbahy en mon courage, mais tousjours avoye fiance en Dieu. Et quant le bon roy saint Loys sceut ma desconvenuë, il me envoia querir, et me retint à lui : et me donna le bon seigneur huit cens livres tournois. Et tantoust regracié [1] Dieu ; car j’avois plus deniers qu’il ne m’en faisoit besoing.

Des princes du païs d’oultre mer, pource qu’il est besoing de parler de leur Estat et puissance, je vous en diray : et premier du souldan de Connie[2]. Ce

  1. Regracié : je remerciai.
  2. Souldan de Connie : sultan d’Icone.