Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/216

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trouva avecques lui à terre que sept cens : et tout le demourant ung vent orrible qui vint de devers l’Egipte les separa de leur voie, et de la compaignie du Roy, et les getta en Acre et en autres païs estranges bien loing, et ne les revit le Roy de long temps. Dont il et sa compaignie furent toute celle journée moult doulans et esbahiz ; car on les croioit tous mors, ou en grant peril.

Le landemain de la Penthecouste le vent fut à gré. Et adonc le Roy et nous tous qui estions o lui fismes voile de par Dieu, pour tousjours tirer avant. Et advint que en allant nous rencontrasmes le prince de la Morée et le duc de Bourgoigne ensemble, lesquels avoient pareillement sesjourné au lieu de la Morée. Et arriva le Roy et sa compaignie à Damiete le jeudi d’aprés la Penthecouste, là où avoit grant compaignie à nous attendre. Car sur la rive de la mer nous trouvasmes toute la puissance du Souldan, qui estoient tres-belles gens à regarder. Le Souldan portoit les armes de fin or si tres-reluisant, que quant le souleil y frappoit il sembloit que ce fust proprement le souleil. Le tumulte qu’ilz menoient avecques leurs cors et naccaires[1] estoit une espouventable chose à ouïr, et moult estrange aux François.

Ce voiant, le Roy appella tous ses barons et conseillers pour savoir qu’il estoit de faire. Et ilz lui conseillerent qu’il attendist ses gens à revenir, pour ce qu’il ne lui en estoit pas demouré la tierce partie par la fortune du vent, comme j’ay devant dit. Mais le Roy de ce ne voulut rien croire, et disoit que par ce faisant il donneroit courage à ses ennemis, et aussi

  1. Naccaires : tambours.