Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/223

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assemblé en la maison dudit légat, le Roy et les barons envoyerent querir le bon preudoms missire Jehan de Valeri. Et quant il fut venu, le Roy lui dist ce qu’il avoit fait, et qu’il avoit esté trouvé par son conseil que le légat lui bailleroit les six mil livres que valloient les meubles qu’on avoit laissez, et portez en sa maison, affin qu’il despartist lesditz six mil livres là où il verroit estre à faire par raison, et où il seroit le mieulx employé. « Sire, fist le preudoms, je vous remercie tres-humblement de l’onneur que me faites, mais ne vous desplaise, car l’offre ne prandray-je point. Ja si Dieu plaist ne defferay les bonnes coustumes anxiennes, et telles que les ont tenus noz predecesseurs en la Terre Sainte : car quant on a prins sur ses ennemis aucune cité, ou gaigné aucun gros butin, de telz biens qu’on treuve en telle cité le Roy n’en doit avoir que le tiers, et les deux pars en doivent avoir les pelerins. Et ceste coustume tint moult bien le roy Jehan quant autresfois il print Damiete. Et ainsi que j’ay ouy dire à mes aisnez, le roy de Jerusalem qui fut devant le roy Jehan tint ceste coustume sans faillir d’un point. Mais avisez si vous me voulez bailler les deux pars des fromens, orges, ris, et des autres choses qu’avez retenuz ; et tres-voulentiers les disperseray aux pelerins, pour l’onneur de Dieu. » Le Roy ne eut pas aggreable ce conseil, et demoura ainsi la chose. Dont maintes gens se tindrent très-mal contens du Roy, de quoy il avoit desrompu les bonnes coustumes anxiennes.

Les gens du Roy, quant ils furent à leur aise, et bien logez en celle cité de Damiete ; eulx, qui deussent avoir entretenu debonnairement les marchans et