Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/226

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coups de masses. Et tellement fut en peril, que tantoust eust esté mort, si le connestable de France ne le fust allé escourre[1] avecques plusieurs des gens du Roy qu’il avoit avecques lui. Et fut ramené par les bras jusques en son paveillon dont il estoit parti. Et tellement estoit navré des grands coups de masses qu’il avoit souffert, qu’il ne povoit plus parler. Tantoust lui furent adressez plusieurs medecins et chirurgiens. Et pour ce que leur sembloit qu’il n’estoit point en peril de mort, ilz le firent seigner ou braz, dont mal en print ; car quant ce vint devers le soir, messire Aubert de...... me pria que nous l’alissions veoir, pour ce qu’il estoit homme de grant renom et vaillance. Ce que tres-voulentiers fismes, et alasmes vers lui. Et en entrant en son paveillon, l’un de ses escuiers nous vint à l’encontre dire que nous allissions bellement de paeur de l’esveiller. Ce que nous fismes, et le trouvasmes gisant sur son couvertoir[2] de menu ver, dont il estoit enveloppé : et nous tirasmes tout doulcement vers sa face, et le trouvasmes mort. Dont nous et plusieurs fusmes tres-dolans d’un si preudom avoir perdu. Et quant on l’eut dit au Roy, il respondit qu’il n’en vouldroit mie avoir aucuns qu’ilz ne voulsissent autrement le croire, et obeïr à ses commandemens, que avoit fait celui seigneur d’Entrache, et que par son deffault mesmes il s’estoit fait tuër.

Or saichez que le Souldan donnoit de chascune teste de Chrestien, à qui la lui portoit, ung besant d’or. Et ces traistres Sarrazins entroient la nuyt en nostre ost, et là où ils trouvoient des gens de l’ost

  1. Escourre : secourir.
  2. Couvertoir : couverture.