Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le fleuve de Rexi[1] ; et trouvasmes tout le povoir du Souldan logié sur le rivage du fleuve de Rexi, de l’autre part de nous, pour nous defendre et garder le passaige. Ce que leur estoit une chose bien aisée à faire ; car nul de nous n’eust seu passer s’il ne se fust mis à nou[2], et n’y avoit point de passage. Le Roy eut conseil en lui de faire faire une chaussée par à travers la riviere pour passer aux Sarrazins. Et pour garder ceulx qui feroient ladite chaussée, il fit faire deux baffraiz[3], que on appelle chas chateilz[4] ; car il y avoit deux chateilz devant les chas, et deux maisons darriere pour recevoir les coups que les Sarrazins gettoient à engis[5] ; dont ilz en avoient seize tous droiz, dont ilz faisoient merveilles. Le Roy fist faire dix-huit engins, dont ung nommé Jousselin de Courvant fut le maistre inventeur et facteur, et de ces engins gettoient les ungs aversaires aux autres. Le frere du Roy guettoit de jour les chas, et nous autres chevaliers guettions la nuyt. Et furent la sepmaine de devant Noël que les chas chateilz furent faiz ; et puis on commença à faire la chaussée. Mais autant qu’on en faisoit, les Sarrazins en deffaisoient autant de leur part ; car ils

  1. Le fleuve de Rexi : cette branche du fleuve s’appelle Thanis.
  2. A nou : à la nage.
  3. Baffraiz : beffroi. Le beffroi étoit une machine de guerre construite en bois ; elle avoit la forme d’une tour, étoit à divers étages, et portée sur quatre roues : elle s’approchoit fort près des villes. De là les soldats lançoient des flèches et des pierres. Pour garantir ces tours du feu grégeois on les couvroit de cuirs.
  4. Chas chateilz : le chas étoit une espèce de galerie couverte que l’on attachoit aux murailles, et sous laquelle ceux qui devoient les saper étoient en sûreté. La machine dont parle ici Joinville étoit une galerie couverte, défendue par des tours de bois.
  5. A engis : avec des machines qui servoient à lancer des pierres.