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nant. Et quant vint icelui jour, nous montasmes à cheval, et allasmes au gué d’icelui Beduin tous en point de guerre. Et en chevauchant aucuns se tiroient prés de la rive du fleuve, et la terre y estoit coulante et mouïllée ; et ilz cheoient eulx et leurs chevaulx dedans le fleuve, et se noioient. Et le Roy, qui l’aperceut, le monstra aux autres affin qu’ils se donnassent garde de n’y tumber. Et entre autres cheut et se noya messire Jehan d’Orleans le vaillant chevalier, qui portoit banniere à l’armée. Et quant nous fusmes au gué, nous veismes de l’autre part du fleuve bien trois cens Sarrazins tous à cheval, qui gardoient celui passage. Lors nous entrasmes dedans le fleuve, et trouverent nos chevaulx assez bon gué et ferme terre ; et tirasmes contremont le fleuve, bonne rive à passer oultre, tant que la mercy Dieu nous passasmes tous sans dangier. Et quant les Sarrazins nous virent ainsi passer, ilz s’enfuirent à grant erre[1].

Avant que partir, le Roy avoit appointé que les templiers feroient l’avant-garde, et le conte d’Arthois son frere meneroit la seconde bataille. Mais si toust que le conte d’Arthois eut passé le fleuve, lui et tous ses gensd’armes, et virent que les Sarrazins s’enfuioient devant eulx, ilz picquent chevaulx des esperons, et commancent à courre contre les Sarrazins : dont de ce ceulx qui faisoient l’avant-garde furent courroucez contre le conte d’Arthois, parce qu’il ne leur ouzoit respondre pour la paeur de messire Foucquault dou Melle, qui le tenoit par le fraim de son cheval. Et lequel messire Foucquault ne oioit chose que les Templiers deissent au conte d’Arthois

  1. Grant erre : grande hâte.